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Henri III, les guerres de religion, la Révolution, l'occupation allemande et même l'écriture de la Ve république, Le Petit Varennes est un lieu chargé d'Histoire qui s'étend du 16e siècle jusqu'à aujourd'hui. Témoin et acteur de bien d’événements, le château a évolué au fil du temps et ne conserve aujourd'hui que les fondations d'origine, un incendie au 19e siècle ayant entraîné une reconstruction complète de la façade et des intérieurs. Appartenant à la famille Janot depuis maintenant plus de cinq siècles, celle-ci essaie aujourd'hui de faire vivre cette mémoire et de conserver ce patrimoine précieux.

Du XVIe au XVIIIe siècle : La Châtelaine Marguerite de Bronze de Brunel de Serbonnes

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Le pays en cette fin de 15ème siècle est encore sous le coup de la dévastation pratiquée par les anglais dans tout le sénonais durant leur occupation. En 1432, la garnison anglaise de Montereau ira encore jusqu’à Nolon, pillant tous les villages sur sa route. Serbonnes qui n’en sera pas exempt, émergera de la 16 guerre avec son nouveau seigneur : Charles de Pontville… Celui-ci semble avoir réuni dans ses mains tous les fiefs et châteaux de Serbonnes mais, faute d’héritier mâle, il dût partager son fief entre ses filles. Composé entre autres du « Grand Varennes » situé au bord de l’Yonne, c’est Jeanne, mariée à Julien de Tournebœuf qui le recevra en dot. Pour ce qui est du « Petit Varennes », celui qui permettait de contrôler la route de Montereau, situé à la sortie nord du village, direction Courlon, c’est Perrine qui en héritera. Mariée déjà à Mathieu de Brunel seigneur de Grigny, aux alentours de 1515, ce dernier ajoutera à son nom le titre de Serbonnes et la fera devenir première châtelaine de ce nom. Ainsi, depuis la bataille de Marignan, depuis le début du règne de François 1er, sans discontinuité, la famille de Brunel de Serbonnes occupera le Petit Varennes. Car Mathieu de Brunel (dit Mathieu I) et Perrine seront effectivement les premiers d’une lignée familiale toujours en possession de ce château à ce jour.

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Mais celle qui fit la particularité de l’histoire et qui la changea, c’est Marguerite de Bronze, Dame de Gravon, mariée à Mathieu de Brunel de Serbonnes (dit Mathieu III). Petite fille par alliance de Perrine, elle obtint en 1575 le privilège d’ajouter sur les armes familiales trois fleurs de lys d’or, blason surmonté toutefois d’un chevron de sable (alias d’azur), ceci, à la suite d’une rencontre galante dans les environs de Bray-sur-Seine avec le roi Henri III. Des suites de ces rencontres, en découla probablement une descendance dont le chevron en témoigne les faits.

 

Il ne va pas sans dire que cette distinction à partir de ce jour a déclenché des conflits inexpiables et sanglants entre les deux branches familiales à savoir « Les Tournebœuf » du Grand Varennes et la famille de Brunel de Serbonnes, quant à leur légitimité seigneuriale respective. Le Parlement de Paris reconnaîtra l’égalité entre les deux fiefs en 1624. Ainsi, ces derniers deviendront distinctement les seigneurs en « partie » de Serbonnes. 17 Bien sûr, et l’histoire nous l’apprendra, tout ceci sur fond de convulsions religieuses ayant sévi durant les 50 dernières années, Sens étant le théâtre du premier grand massacre des protestants par les catholiques le 12 avril 1562. S’en continueront les déchirements entre les huguenots, pour ce qui nous concerne menés par Coligny pour le compte de Louis de Condé, seigneur de Vallery et le chef de la ligue catholique le Duc de Guise, nous amenant à cette date fatidique du 1er août 1589, correspondant au régicide du roi Henri III par Jacques Clément, religieux et natif de Serbonnes.

 

Placé au couvent des Dominicains rue Beaurepaire à Sens, devenu moine et envoyé faire de brillantes études à Paris, Jacques Clément, inscrit à jamais sur les registres des événements de l’histoire, dans ce contexte conflictuel, a pu être instrumentalisé et désigné par le prieur de la ligue catholique pour assassiner Henri III à Saint Cloud où le roi tenait le siège de Paris. Mais Jacques Clément, comme le laisse apparaître le fruit de récentes recherches, eut aussi pu tout bonnement se venger, à la suite d’une grâce que le roi aurait accordée à un Seigneur de Serbonnes, Edmée Tournebœuf, pour avoir tué un Sieur Clément, fermier demeurant à Serbonnes, pouvant s’apparenter à son père… Toujours est-il que dans cette situation troublante, il n’est pas à écarter que Marguerite de Bronze, mariée à Mathieu de Brunel de Serbonnes, contemporaine de Jacques Clément et de surcroît maîtresse d’Henry III, dans ce petit village où tout le monde se connaissait, a pu être influente afin que Jacques Clément puisse approcher le roi avec autant de facilité…

S’en suivront les dispositions testamentaires d’Henry III qui mourra le lendemain en nommant son neveu Henry IV futur roi de France, ce dernier étant prêt déjà à prendre d’un coup Paris et le pouvoir. Car « Paris vaut bien une messe… »

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Le petit Varennes et la Révolution :

La Châtelaine Marie-Cécile de Brunel de Serbonnes

 

Les générations se suivent, l’histoire aussi… Louis François de Brunel, écuyer, Seigneur de Serbonnes et de Varennes, épouse Marie-Cécile née Tarin de Michery en 1769.

 

Recommandable par ses vertus et sa grande piété, uniquement occupée des devoirs qu’elle avait à remplir envers son mari, Marie-Cécile de Brunel de Serbonnes allait faire sien du rôle qui lui incombait au sein du village. Assurer son soutien aux plus démunis, visitant les malades et ne faisant aucune différence envers ses propres enfants et ceux du personnel, ainsi était dame Marie-Cécile. 18 Mais la révolution française tonne. « Mort aux châteaux, paix aux chaumières » dira le slogan. Ainsi, l’acharnement s’abattra inévitablement sur cette famille, une guerre étant engagée envers la noblesse.

 

En vue d’une carrière diplomatique, Marie-Cécile de Brunel avait déjà envoyé son fils cadet Louis Mathieu en Angleterre aux moments des émeutes du peuple en 1790. Elle échangeait donc une correspondance toute normale avec ce dernier. Mais le contexte dans cette époque également fort conflictuelle amena un employé des postes de Pont-sur-Yonne à dénoncer le fait au comité révolutionnaire de Pont qui pratiqua une perquisition à Serbonnes, y découvrit les correspondances et arrêta sur le-champs Marie-Cécile. La population Serbonnoise en émoi décida de mettre en action une justice locale.

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« Le Conseil Général de la commune de Serbonnes expose que la citoyenne Brunel, mise en arrestation le 11 Germinal de l’an 2, a droit à la reconnaissance des citoyens de cette commune. Cette citoyenne n’a cessé de tous temps de contribuer de son temps et de ses biens aux soulagements des infortunés. Elle s’est toujours montrée obéissante aux lois et à en juger par les sentiments que nous lui connaissons, elle ne saurait être coupable. En conséquence, nous demandons, au nom de la commune, que ceux à qui il appartiendra veulent bien compter pour quelque chose les réclamations de ses concitoyens, qui la réclament sur leur responsabilité. Nous réclamons, si elle est coupable, qu’on nous la rende pour être livrée à la sévérité des Lois. Si elle est innocente, nul inconvénient. Le procès-verbal de la levée des scellés mis sur ses papiers porte qu’on n’a rien trouvé qui compromette les intérêts de la République, ce qui nous fait espérer qu’incessamment on nous rendra une femme vraiment utile par son zèle pour secourir l’humanité. Fait en la Maison Commune, Décadi 30 Germinal de l’an 2 de la République, une et indivisible. Signé : Maurisson (maire), JL Catinot, Martin, Vidot, Dubecq, Roblot, A.Gaudaire »

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Malgré la mobilisation en sa faveur des habitants de Serbonnes, elle fut conduite à la prison de Sens pour avoir, selon les accusations, favorisé l’émigration de son fils et échangé des correspondances. Même si rien n’a été trouvé compromettant les intérêts de la République, elle fut déférée devant le tribunal révolutionnaire de Paris et condamnée à mort le jour même (18 juillet 1794) à l’âge de 49 ans, quelques jours avant Robespierre.

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Décapitée et jetée dans la fosse commune du cimetière Picpus, Marie-Cécile laissa dans le cœur des gens de Serbonnes le souvenir d’une personne empreinte d’une grande bonté et un désarroi profond chez Louis Mathieu qui ne reviendra jamais à Serbonnes, s’enfoncera dans le chagrin et mourra à la Trappe en Westphalie en 1802, l’année même du décès de son père…

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Le petit Varennes et la Seconde guerre mondiale

La Châtelaine Catherine de Brunel de Serbonnes

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Loin des tumultes révolutionnaires, la famille aristocratique de Serbonnes coule une période plutôt heureuse en cette fin de 19ème siècle où quiétude et bonheur simples rythment avec romantisme, dont l’époque a envahi les us et coutumes. 

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Petite fille de Georges de Brunel de Serbonnes (fondateur et directeur de la compagnie d’assurance l’Abeille, chansonnier et poète), fille de Henri de Brunel de Serbonnes (médecin auprès des hôpitaux de Paris), née de Brunel de Serbonnes, Catherine devait connaître dès son plus jeune âge un brusque destin en ce début de 20ème siècle. Sa mère Madeleine, en vue d’informer son époux Henri de Brunel de Serbonnes, parti au front, du bon rétablissement de leur fille qui était gravement malade, lui fit parvenir un télégramme. La mémoire conservera que l’écriture relatant la bonne nouvelle ne put permettre une lecture correcte. Aussi, Henri de Brunel comprit-il qu’il s’agissait là de bien mauvaises nouvelles et prit d’urgence le train qui lui permettrait d’être au plus vite auprès de sa fille. Ce train dérailla malheureusement et ne permit jamais à Catherine de revoir son père.

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Dernière descendante de ce nom, fille unique par conséquent, Catherine de Brunel de Serbonnes nait à Saumur en 1917. Devenue une jeune femme brillante, elle rencontre en 1939, sur les bancs de sciences politiques, Raymond Janot, celui qui allait devenir son époux. Ceci en dépit du non enthousiasme de sa famille de Serbonnes quant à ce projet d’union. Car effectivement, Raymond entrait de plain-pied dans une vieille famille de l’Yonne. Et si celle-ci n’était pas enchantée, elle accepta, au regard du bonheur naissant du jeune couple, cette union.

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L’Histoire retiendra, qu’après avoir été Conseiller Juridique au cabinet de Vincent Auriol, Conseiller Economique du Général De Lattre, Conseiller d’Etat, la rencontre en 1958 avec le Général de Gaulle organisée par Georges Pompidou, marquera un tournant dans la vie de Raymond Janot qui sera porté aux plus hautes sphères de l’Etat. Dès lors, il allait jouer un rôle fondamental dans la rédaction de notre actuelle constitution, inspirant, préparant, coordonnant l’élaboration de ses textes et de ses principes. Le Général de Gaulle fit de lui son Secrétaire Général de la communauté et la confiance qu’il lui accorda le porta en 1959 à la présidence de la radio télévision française nommée RTF. Pour la petite histoire, c’est Raymond qui introduisit en 1960 le célèbre « rectangle blanc » destiné à attirer l’attention des parents sur le caractère osé de certains films au moment où la vente de postes de récepteurs prit son véritable essor. Maire de Serbonnes depuis 1947, Conseiller Général en 1959 puis Président en 1989 du Conseil Régional de Bourgogne à l’âge de 72 ans, Raymond en son temps, a fait beaucoup pour la commune de Serbonnes, dont l’installation de l’eau.

 

La cérémonie de mariage eut lieu au château de Serbonnes tout au début de la seconde guerre mondiale. D’ailleurs, en tant que fille unique, le « Petit Varennes », Catherine le recevra en cadeau de mariage. Mais Raymond, à la suite de la cérémonie, ne resta que trois jours sur place et ne retrouva son épouse qu’en 1943, trois ans après en avoir été séparé. Pendant ce temps, dans les méandres de cette seconde guerre, Catherine Janot devenue joueuse d’un terrible jeu, sans expérience, résistante sans bénéfice escompté ni gloire et sans l’ordre d’aucun chef, s’est vouée à son pays. En effet, Catherine, engagée entre-temps dans la résistance, après qu’un beau jour, un aviateur canadien eut atterri chez des fermiers, la famille Grellet à Serbonnes, puis emmené au château afin de le faire rapatrier, ne se départit jamais de ce combat le temps que dura la guerre. Membre des réseaux Bourgogne, Comète et Vélite-Thermopyles, Catherine Janot s’occupait notamment d’un réseau d’évasion d’anglais. En pleine période de cette guerre donc, pendant que Madeleine, sa mère, gérait l’occupation forcée d’une centaine d’allemands installés au château et que Catherine fonçait, avec toujours dans l’objectif de lutter contre l’occupant et sauver quelques vies humaines, Raymond Janot lui, était fait prisonnier et envoyé en France. C’est par le biais d’un allemand, Paul Fuchs qui maudissait cette guerre et luttait contre en se rangeant du côté des résistants, qu’elle put ainsi obtenir des marks allemands qu’elle enverrait afin d’aider à l’évasion de son mari en les mettant dans de petits sacs de cellophane à l’intérieur de pots de miel durci. Fuchs lui ayant demandé toutefois si l’évasion de son mari risquait de mettre des vies allemandes en danger, Catherine lui certifia que non, qu’il s’agissait de la procuration de faux papiers et d’achat de billets de chemin de fer.

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Raymond Janot s’évada. Le couple, après s’être rejoint à Paris, repartit sous un autre nom où combat de l’ombre, déplacements et actions firent partie de leur quotidien jusqu’en 1944. Car après avoir traversé les Pyrénées puis l’France, c’est en Algérie qu’ils arrivèrent pour s’engager tous deux dans les F.F.L. Catherine devint conductrice d’ambulance jusqu’à ce que Raymond, engagé dans les commandos de France, fut blessé à la joue après avoir reçu une balle et dut être rapatrié. Commença alors la carrière politique que nous lui connaissons. Commença, à partir de là, pour Catherine et Raymond Janot une nouvelle vie.

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Catherine Janot, pendant toutes ces années, suivit et soutint son époux, malgré une certaine méfiance à l’égard de l’activité politique, se consacrant elle-même pour une part importante de ses activités à des actions caritatives.  Quatre enfants naquirent dans le foyer Janot à partir de 1955 apportant enfin un peu de joie et colorant les années 1970. Le château gardait une porte ouverte sur le village. 

D’ailleurs, les enfants, selon un rituel bien rôdé, étaient mis à contribution lorsque Pâques approchait. Plusieurs jours avant, ils œuvraient déjà à la préparation de paquets de gâteaux, à l’achat de chocolat et décoration en peinture de nombreux œufs durs. C’est, disséminés dans le parc du château, porte grande ouverte le jour venu, que ces friandises et sujets de toutes sortes faisaient l’objet d’une recherche assidue et enjouée de la part des gamins de Serbonnes, qui s’en souviennent peut-être encore.

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